Promenade macabre
Beaucoup d’arbres entourent cet endroit, un endroit de transition, supposé être de tout repos, mais…
La communauté des arbres est une communauté bien étrange qui sait bien des choses sur la communauté des humains…
Photo réalisée par Eric Normand
Mon amie,
Toi qui voulais que je te prenne…
La main pour une balade.
Tiens, voilà une escapade
Tu y verras beaucoup de peine…
L’arbre a tout vu, tout entendu…
Et observe les individus…
Paume aux allées sinueuses…
En habit noir de pleureuse.
A l’écart au coin de la ville,
Aisé, gueux, riche ou en guenilles,
Le vil charnier entretenu
Nous souhaite la bienvenue…
L’arbre funéraire en posture
A l’enterré fait filature.
Grâce aux racines tortueuses
Qui s’exécutent en religieuses,
Localisant les corps sous terre,
Pour nous donner plus de lumière.
Épiant, de sa hauteur, la terre,
La vigilante feuille en l’air
Surveille les âmes ailées
Qui traversent la Grande Allée.
Par hâtive atténuation
L’arbre donne l’explication :
« Racines bien élevées en serre,
Feuillage égayant l’atmosphère,
Je veille au seuil du cimetière,
L’arrivée d’éteinte lumière.
Ni masculin, ni féminin,
Ni petit, ni géant, ni nain,
La faux n’entend point les prières
Des peuples de la terre entière… »
Noble cyprès aux alentours,
En périmètre fait contour.
« Je suis gardien contre le vent,
Pressé de prendre les manants
Des sépultures d’inconvenants
Suspendus jusqu’au jugement.
J’aide les bruits nocturnes étranges
Qui, même les vivants, dérangent.
A la porte, je te surveille
Toi, nouveau venu de la veille. »
Une émanation, au dessus,
Soufflait en posture abattue :
Pourquoi sommes-nous si ordonnés ?
Alors que vivants fractionnés…
A l’entrée de ce cimetière,
Autour et au fond de la terre…
Mémoires que chacun emporte
Au seuil de la plus Grande Porte…
Là, les arbres vont parler
Vont raconter nos pourparlers…
Témoins de toutes les époques
Imputeront l’histoire en stock…
Episode eucalyptus
Mes racines profondes et lointaines
Prennent un os de grandeur certaine.
Ce ne devait être que celui d’un boss,
Issu d’une famille molosse.
Un os élastique et changeant
D’un homme d’affaires entreprenant,
Harcelant une singulière fleur,
Qui meurt de cœur et de bonheur,
Au bras de sa secrétaire
Avec elle en adultère.
Sa femme n’est jamais venue
Voir la tombe dévolue.
Episode rosier
Je suis juste au dessus,
De deux êtres entassés.
Qui au champ se lassaient.
Un tracteur non perçu
Sur la paire est passé.
Ils ne pouvaient rien voir,
Ils dormaient tel des loirs.
Leurs os étaient cassés.
Durement ramassés,
Pêle-mêle amassés.
Leurs parents insensés
Crient dissensions passées.
Episode platane
Toutes mes feuilles en couverture,
Sur cette brillante créature
Qui a enfanté le demain
Et en est morte le lendemain.
Le premier cri pour sa sortie,
L’autre pour sa propre sortie.
Son visage est resté intact
Sa foi était son meilleur acte.
L’orphelin, auprès de son père,
Trouvera un semblant de mère
Après la mort de sa porteuse
Où trouvera-t-il soigneuse ?…
Episode châtaignier
Ses os sont très fragiles
Par laide vie sénile,
Écarté par les siens
La pension, son seul lien.
Son cœur n’en pouvait plus…
Voir les circonvenues
Pour qu’il signe des papiers
D’héritage aux alliés.
Ils lui ont pris sa terre.
Plus besoin de prières
Mort isolé de chagrin,
Sans voir meilleur demain.
Ils prendront à leur tour,
Leur parcelle tour à tour,
Dans ce bel ossuaire
Chacun à sa manière.
Episode chêne
Torturé et blessé,
Mes racines l’examinent
Une balle, j’ai trouvé
Au milieu de l’échine.
Combattant mort au front,
En valeureux et fier,
Tué par des galons
Par traitrise, par derrière.
Comment meurt un héros ?
Certainement trahi,
Par ceux qui cherchent sceau
Signe typique gravi…
Episode troène
La jeune fille s’est suicidée.
Je ne peux déterminer son âge ?
S’est jetée du haut de l’étage,
Elle pensait être une félidée.
Son cœur n’est pas resté en place
Par l’effet de l’ultime chute
Ou d’une angoissante dispute.
Mes racines scrutent l’espace
Pour déterminer la raison
De la mort de cette innocente
Qui en déferlant la descente
A fait une secrète oraison.
Episode pin
Décédée sur le coup,
Lors de villégiature
Brutal choc de voiture
Elle n’a pas pris le bout.
Marié récemment,
Sur chemin du bonheur
A sa vingtième fleur…
Mari en sentiment.
Une beauté en terre,
Mise en robe blanche,
Trémière ou pervenche,
Mon Dieu que de mystère !
Episode faux poivrier
En terre l’escroc en masque
Qui a fait beaucoup de victimes
Pour quelques centimes…
Avait oublié son casque
En fuyant à moto
Poursuivi par des voyous
Tombé sur des cailloux
Puis lié au poteau.
N’est pas identifié
Enterré dans la fosse
La tête tout en bosses
Racine est terrifiée…
Episode mélèze
L’assassin assassiné,
Au creux de ce creux
Racine a déterminé
Qui a caché le pieu.
Piètre condition…
Non acceptée des cieux,
Reste en transition
Au réveil des aïeux.
Ce délit est péché,
Donc rapetissement,
Retombe sur l’accusé.
Aucun Rapprochement.
Episode peuplier
Bébé à la naissance,
Innée déformation,
Génitrice en patience,
Met en situation
Le bout de chair sous terre.
Pleures sans rémission,
La souffrance naguère
Vapeur en transition.
Plus aucun ossement
Dans ce fragment de terre.
Je le scrute autrement
Mon pivot est sincère.
Episode cèdre
En montagne gelé,
Ni décomposition,
Ni tégument pelé.
Mais en transposition,
Une fois dégelé,
Rapide pourrissement.
Trop de gens appelés
A cet enterrement.
Racines voulaient scruter
Mais ont eu obstacle
La caisse en bois blindé
Conçue en habitacle.
Le temps est mon allié,
Ce matériau est mien
Une fois travaillé,
La boite ne sera rien…
Episode acacia
Le pauvre cancéreux…
La science est en retard
Pour qu’il ne meurt plus tard,
N’est pas du tout chanceux.
J’ai touché le nerf du cerveau.
Un corps récemment enterré
Qui m’a ses douleurs racontées,
Passé d’un cancer de la peau.
« J’avais une santé de fer
A vingt cinq ans, j’ai rencontré
La fleur qui m’a empoisonné
Peiné jusqu’à mordre la terre.
A l’aise au jeu des émotions.
De cet état ma jalousie
S’est transformé en maladie,
Inconscient de ma pollution.
De sa position elle jouissait,
Son amour était insensé.
A la tristesse condamné
Aveuglément, je la suivais.
De douleurs émotionnelles,
Je me suis mis aux concessions.
Je me trouve en domination.
Je passe aux douleurs réelles,
Suis devenu sa possession…
Partage de la vie conjugale
Détruit le rêveur sidéral.
L’un, vainqueur en acquisition,
Se retrouve dans son élément.
L’autre rongé de l’intérieur
Prépare une maligne tumeur
Pour grand départ en conversion. »
Vivant, je ne pouvais l’aider
Mon pivot est soulagement
Je m’en occupe étroitement.
Ici, je vais bien l’entourer.
Episode palmier
Le palmier dans un coin désert,
Tout au fond de ce cimetière,
N’est pas visité par les gens
Parce qu’il n’est pas bienséant.
Charnier d’enfants au cimetière…
Criminel qui fait des misères
Trouvera certainement châtiment,
Au-delà de ses manquements.
Toutes bestialités commises
A la communauté soumise…
Progéniture de ces mamans
Qui n’ont pas trouvé leurs enfants.
Au-dessous que d’atrocités :
Brûlé, égorgé, amputé,
Balle au front, balle au cœur, l’effroi,
Meurtrier n’a ni foi ni loi.
Enfants de région mise à sac,
Mis dans cet ossuaire en pack
Pour assouvir étrange besoin
Opérer sur eux avec soin.
Je me désengage de ces actes
Palmier avec Seigneur en pacte…
Il y a forcément un temps
Où la mort impartit son temps.
Lorsque nous serons morts et que nous deviendrons poussière et ossements, serons-nous ressuscités ?